Chokri Mabrouki : «Nous sommes désormais dans un système à deux vitesses, où les nantis peuvent bénéficier de soins de qualité dans le secteur privé et où les pauvres et la classe moyenne sont acculés à des établissements de santé manquant, parfois, des moyens les plus élémentaires».
Rien de nouveau dans le monde de la santé publique, les professionnels sont en colère et les Tunisiens sont mécontents des services. Pas certain, dans ces conditions, que la grève générale observée, hier, par les cadres et agents de la santé devant le siège du ministère, soit suivie de réponses positives de la part de l’exécutif, tant la crise et le malaise sont profonds dans le secteur. « Si des mesures ne sont pas prises rapidement, il faudra annoncer la mort des hôpitaux et établissements de santé publics », déclare au journal La Presse, le secrétaire général de la coordination nationale des cadres et agents de la santé, Chokri Mabrouki. Les cadres et agents de la santé dénoncent notamment le manque de moyens dont ils disposent en termes de ressources financières et humaines. Un manque de moyens qui restreint le champ du possible et empêche les professionnels et les soignants de fournir aux citoyens des services de qualité. En conséquence, médecins et patients finissent par migrer, soit vers le secteur privé, soit quasiment à l’étranger. «Nos revendications, il faut que les Tunisiennes et Tunisiens le comprennent, ne sont pas du tout pour nos intérêts propres, mais préserver et sauver un système de santé à l’agonie. Nous sommes désormais dans un système à deux vitesses, où les nantis peuvent bénéficier de soins de qualité dans le secteur privé et où les pauvres et la classe moyenne, sont acculés à des établissements de santé manquant parfois des moyens les plus élémentaires», explique Chokri Mabrouki.
Concrètement, les professionnels de santé publique appellent à ce que le ministère de tutelle applique un procès-verbal signé antérieurement, ainsi que la mise en place et l’entrée en vigueur du statut de base pour les agents. «Nous demandons également que l’ensemble des dossiers, notamment ceux relatifs à des soupçons de corruption soit ouverts».
Pour Chokri Mabrouki, secrétaire général de la coordination nationale des cadres et agents de la santé, il est impératif que le gouvernement consente à recruter des agents supplémentaires s’il veut sauver le secteur de la santé publique.
Au classement mondial des systèmes de santé, la Tunisie n’a pourtant pas de quoi rougir. Elle se positionne à la 68e place mondiale, devant l’Algérie et le Maroc, respectivement à la 80e et 90e place de ce classement. 3e meilleur système de santé en Afrique derrière le Kenya et l’Afrique du Sud. Mais pour un pays qui regarde particulièrement vers le nord, le ressenti est tout autre.
«Il faut noter que la question des inégalités de santé est de grande ampleur en Tunisie. Les déterminants de l’inégalité en matière de santé exigent une réponse sociétale, avec des choix politiques et techniques qui affectent de nombreux secteurs différents. Par ailleurs, la politique de santé mise en œuvre par l’Etat doit contribuer à éliminer les obstacles à l’accès aux soins. C’est une question d’équité. Cette dimension est identifiée comme un facteur déterminant de développement humain», estime une étude publiée dans la revue Recherches et études en développement en décembre 2022.
Du côté du ministère de la Santé, aucune communication officielle au sujet de ce mouvement de protestation. Les syndicalistes menacent d’escalade, notamment lundi prochain, avec la suspension prévue des services des urgences et des services internes dans tous les établissements hospitaliers.
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